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Lettre anonyme #2 : Le fou récit de moi

  • Traumas Podcast
  • 26 oct.
  • 8 min de lecture

Il y a de nombreuses années nous étions en fin septembre et j’attendais l’Halloween avec toute l’impatience d’un Noël à venir. Je chantais des chansons inventées on the spot à tue-tête en autre mots, je vivais ma ‘best life’. Comme c’est plutôt rare de voir une enfant de 8 ans se faire un musical d’Halloween dans la rue, évidemment, j’ai attiré l’attention des seuls témoins de cette scène. Un couple plutôt âgé, plutôt sympathique et accueillants. Ils m’ont posé des questions, ils m’ont dit que j’étais une belle petite fille exceptionnelle. Je me sentais comme une vraie star! Je buvais leurs mots. J’ai poursuivi mon chemin vers l’école et je ne les ai pas revus. Fin de l’histoire? I think not.


Quelques jours plus tard, ma mère a téléphoné à la police parce que ce couple si charmant, m’avais envoyé un cadeau. Inutile de dire que j’ai vu ça comme la plus grande injustice de non seulement me faire refuser un cadeau, mais de réprimander des gens aimables qui semblaient avoir reconnus la petite fille incroyable que, contre toute attentes, je semblais être. J’avais le cœur brisé. J’étais redevenue une petite fille sans importance…


Avec mes yeux d’aujourd’hui, je comprends à quel point tout ça était particulièrement louche et que les intentions derrière ce beau geste auraient pu être sinistre. Je remercie ma mère d’ailleurs de m’avoir protégée.


Voyez-vous, en étant la dernière de 4 enfants au début des années 90, on devait se battre pour de l’attention, pour de la considération. J’étais la seule fille et on m’avait laissé comprendre qu’à cause de ça, je devais être traitée en petite princesse. Eh bo boy, rien n’a pu être aussi loin de la réalité…


Mère pragmatique, divorcée, père absent frères désintéressés à une vie de famille dont un particulièrement abusif envers moi en plus de vivre dans la pauvreté. Ça n’avait rien d’une vie de rêve à la maison. En plus, à l’école, j’étais intimidée, battue et humiliée un peu trop souvent à mon goût et je n’en parlais jamais parce que ça aurait juste été pire… Donc on part d’une enfance loin d’être idéale. Je suis entré en mode survie. Le mode refoulement émotionnel. Super efficace pour ne pas souffrir! J’ai développé un besoin un peu maladif de me faire aimer. J’avais tellement besoin de ça. J’avais besoin de savoir que j’existais aux yeux de quelqu’un. Je me suis laissé faire tout plein de choses au dépend de ma dignité et de ma sécurité. J’ai fait tellement de choses qui me rendent honteuse à ce jour. Y’a rien que je ne ferais pas pour être vue! Mode survie all the way! J’ai même choisi une carrière pour faire plaisir à mon entourage, une carrière pour me sentir valorisée. Infirmière…


J’ai failli y laisser ma santé mentale… Que dis-je, c’est exactement ce qui s’est passé… J’ai réussi à tenir un gros 6 ans à donner à mes patients tout l’amour et le respect qu’ils avaient de besoin. Dieu merci que j’ai rencontré mon mari, un homme d’une douceur infinie qui me donnais la valeur nécessaire pour ne pas juste m’effondrer au travers tout ça. J’essayais de donner à ma famille la même chose dans l’espoir qu’ils me voient. J’ai continué à me faire humilier, insulter et ignorer. Mais, envers et contre toute attentes, mon frère ainé a commencé à me voir. Mission accomplie! J’avais un allié!

… puis… il est décédé d’un cancer à 36 ans…


Plus d’allié. Le maigre sens de la famille que j’avais s’était éteint… ça m’a complètement détruit. Je l’aimais tellement mon frère et en plus, c’était réciproque! Puis, il me restait l’épuisement professionnel, un trouble alimentaire, un trouble anxieux, une dépression sévère et, dieu merci… mon mari et des amis.


La vie était devenue si noire… L’anxiété, insurmontable. La douleur, la peur, le sentiment d’être une pathétique personne sans valeur… la culpabilité de ne pas être capable de tout surmonter même si ma vie d’adulte n’était ‘pas si pire’… Une, deux, trois tentatives de suicides plus tard, ma douleur insupportable n’était toujours pas prise au sérieux par les médecins… Un jour, j’ai laissé mon mari dans un geste ultime d’autosabotage. Plus rien pour me retenir à la vie. Adios les amigos! Puis on m’a enfin prise au sérieux. Au début, rien à faire. J’étais boquée dans mes idées. J’étais une moins que rien et rien… absolument rien ne pourrait me sauver. Je me considérais comme brisée au-delà de tout et juste bonne pour la poubelle! Puis un jour on m’a dit une phrase qui a tout changé. `Tsé, rien n’est pour toujours. Même la douleur finie par passer.’ Eh bien, regardes-donc ça! Une petite pointe d’espoir!


Oui, j’ai continué de survivre à moi-même parce que j’étais tellement poche que j’étais même pas capable de réussir ma sortie de cette vie comme il faut… pathétique, non?

Mais, pour de vrai, je ne peux même pas exprimer la reconnaissance que j’ai à ce jour d’avoir été suffisamment chanceuse que mon histoire puisse se poursuivre! Comme la vie semblait me retenir contre mon gré, j’ai juste commencé à faire un pas par en avant. Puis un autre. Puis un autre… Anyways, pas le choix, hein?


Plusieurs milliers de dollars en psy pour seulement me faire dire que pauvre moi… c’était dont normal d’avoir tant de misère vu la vie que j’ai vécu à ce jour. Ça, je le savais. Est-ce qu’un jour quelqu’un pourrait me dire ce que je ne sais pas? On me disait d’être heureuse. Simple, non? C’est un peu comme si on m’avait dite : Tiens! Va construire un pont! Pas d’explications, pas de plan, pas rien! Simple, non? J’étais vraiment, mais vraiment frustré !!!

Pour avoir lu des livres de self-help, j’en ai lu! Résultat? Que dalle!


Donc, à ce point, je suis suivie par une psy, médicamentée et puis je fais du sur place. Super, non?


Enfin, je veux dire, ENFIN !!! J’ai rencontré une psy qui avait les bons mots. Oui, comme les autres, elle m’a dit que comment je me sentais, c’était légitime. Par contre, où la donne a changé c’était qu’elle me dise que tsé… je suis une victime des circonstances de ma vie et que cela ne définit pas ma valeur en tant qu’humaine. Pour la première fois, on m’a mis dans le rôle de la victime et j’étais prête à le recevoir. Elle m’a donné le droit de me mettre en beau c*lisse, de pleurer, d’exploser!


J’avais vécu mes émotions à l’excès dans ma vie d’adulte parce que j’avais appris à tout mettre en boule plus jeune. Les émotions étaient rendues des ennemis qu’il fallait à tout prix contrôler et garder en cage parce que quand ça sortait, eh bien, le monde entier, le système solaire entier et même l’univers entier allait les subir! Un peu comme un presto trop plein qui explose à cause de la pression. Il fallait commencer par apprendre à les laisser sortir sans qu’il y aie de conséquences apocalyptiques sur moi et sur le monde. Tristesse? Facile! On braille! Colère? Facile! On crie! Stressée? Facile! On mange! … euh, pas aussi simple…


Et si la tristesse était mélangée à autre chose? Par exemple, de la colère? Ah bien là… c’est plus compliqué de laisser tout ça sortir en même temps! Comment on fait pour vivre 2 émotions en même temps? Bon… encore une impasse… J’ai appris à apprendre à reconnaître mes émotions comme elles venaient. Pas d’attendre qu’elles soient au point d’être insupportables.


C’était tellement difficile… on m’a alors suggéré que chaque émotion venait avec des signaux physiques. Par exemple, gorge serrée quand j’ai de la peine. Les épaules dures comme de la roche quand je suis fâchée. Une fatigue intense quand je ne me respecte pas. Les bras engourdis quand je suis stressée… etc. Il m’a fallu beaucoup de temps pour apprendre à reconnaître ces signaux. Il a fallu que j’apprenne à reconnaître ces signaux et les adresser dès qu’ils commençaient à se montrer le bout du nez. La clé du succès a été la pratique. Je n’avais jamais appris à le faire. Après tout, le dicton dit que c’est en Forgeant qu’on devient Forgeron! Alors, j’ai forgé!


C’est un beau jour que je me suis rendu compte que quand je me sentais triste, abandonnée, en colère je ne tombais plus dans l’excès. Ça durait moins longtemps, c’était moins douloureux. Non seulement ça, mais dans le processus, j’ai recommencé à voir les belles choses de la vie qui m’avaient échappées dans les dernières années. Le soleil était redevenu chaud sur ma peau. La musique plus énergisante. Les couleurs plus vives.

La couleur de la vie était revenue parce que je ne subissait plus mes émotions, mais j’ai appris à les reconnaître comme des amis qui voulaient mon bien en me signalant ce qui correspond à mes besoins ou pas. Voici une phrase qui m’a beaucoup aidée. ‘Les émotions c’est oui! La rumination c’est non!’ Parce que la rumination c’est ce qui amplifie les émotions et elles se transforment et après c’est juste tout confus et très difficile de comprendre qu’est-ce qui est quoi!


L’étape suivante a été d’apprendre à me pardonner. J’étais si rigide avec moi. Je n’étais pas assez bonne, pas assez belle, pas assez sociale, pas assez intelligente, pas assez assez et que c’était pour ça que je me trouvais à avoir vécu tout ce que j’ai vécu. Rien n’était plus loin de la vérité. Nous sommes tous différents. Nous n’avons pas tous les mêmes besoins pour se développer sainement. Mon enfance n’a pas pu me donner ce qui m’aurait nourri pour fleurir. Ça ne voulait pas dire que tout ça était de ma faute. J’étais juste une enfant en mode survie. Un enfant qui ne pas reçu assez d’amour. Qui a été laissé à elle-même. Ce n’étais PAS de ma faute. Il a fallu que je me pardonne en reconnaissant que ce n’était pas à moi que je devais en vouloir. Au contraire, il a fallu faire comprendre à cette petite fille-là qu’elle est devenue une adulte et que maintenant elle est plus en contrôle et qu’elle doit dépendre d’elle pour prendre soin d’elle. Parfois, la vie se passe d’une certaine façon sans qu’on ait le moindre contrôle. C’est la vie… On ne peut pas forcément contrôler les gens, les circonstances qui nous laissent blessés. On a le droit de se sentir lésé. D’être engourdis par la colère de l’injustice de ce qu’on a vécu.


J’ai l’impression que si on s’arrête là, on se met dans une boîte. Peu importe la blessure, qu’elle soit physique ou émotionnelle, elle a le droit de guérir. Une blessure qu’on ne guérit pas va se détériorer et peut aller loin et causer des séquelles pour le restant d’une vie. Tandis qu’une blessure qu’on prend le temps de guérir va certainement laisser une cicatrice mais elle va arrêter d’empirer. On apprend à fonctionner en dépit d’elle ou, plutôt, devrais-je dire, on apprend à fonctionner AVEC elle. Je ne minimise absolument pas les différents traumatismes qui peut nous être infligé. Ce que j’ai appris dans mon vécu personnel c’est qu’on devrait se donner le droit de vivre nos émotions, histoire de désencombrer notre corps des effets physiques et psychologiques que le refoulement entraine. Une fois le désencombrement fait, il reste de la place pour autre chose. Tiens, pourquoi pas… le pardon?


C’est là que les couleurs reviennent petit à petit. C’est là qu’on apprend à s’écouter. En s’écoutant, on découvre qui nous sommes en dépit, que dis-je, AVEC, nos blessures. Je vais me permettre une métaphore plutôt quétaine mais qui est vraiment on point, mais une fois qu’on est sorti de son cocon, qu’on a pardonné à la vie pour les circonstances et les défis, c’est là qu’on devient un papillon qui est libre. On est plus léger et on se permet de grandir en s’écoutant.


Et tout ça, à répéter quotidiennement pour la vie pour rester un beau papillon! À l’infini et plus loin encore! Haha!

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